Arrivées pour le mariage de Sa Brig. Grandeur

- Direction Ollioules! Avait-elle hurlé dans le vent, le visage des hommes s'occupant des chevaux la regardant surpris par l'accent chantant et la prononciation particulière de ce lieu leur étant inconnu, forcément!

Sourire en coin, défiant de ses yeux bleus le Diplomate poitevin, la Dòna s'était élancée au galop dans un amas de poussière, laissant derrière le travail et la terre adorée... mais point l'ambassadeur, futé, il fallait l'admettre!

Elle aimait les brumes et les marais, le temps d'effleurer un soir entre un aller-retour, et parcourir aveuglée par l'astre solaire, les campagnes du sud.

Elle connaissait le chemin, la Sauvageonne! Ollioules et les rendez-vous provençaux... Le Strong aurait pu attendre la naissance du futur rejeton des mariés pour son baptême... Sourire.

- Senhor des Brumes... qui nous croiserons demeure un mystère presque aussi grand que la réception d'Icie avant que j'y mettre les pieds...

Et Dieu sait que la Còmtessa avait su la surprendre! Nouveau sourire, sauta de sa monture et envoya la bête en lui tapotant les flans.

Ollioules. Un garde quelque part par là sûrement....

- Hop là... en l'honneur du mariage de l'Illustre, j'amène un peu du Poitou avec moi... Son Excellence Sarmite, Ambassadeur en Provence, m'accompagnera donc à ce titre.

Puis plus bas:

- Contre quelques bouteilles, doit bien rester une clef, si? Vous les remettrez au Comte, que diable! C'est un ami, le Poitevin...

Elle releva sa bouille amusée. Nul doute, ce mariage ferait sourire!

Sur le chemin ensoleillé menant au Château, isaline suait sang et eau.
-Vain Dieu, quelle montée !
Elle s’arrêta et contempla le paysage autour d’elle.
Dans le lointain bleuté miroitait la Méditerranée. Elle distinguait tout au bord la rougeur des toits de Toulon, puis de larges étendues vert foncé parsemées de taches claires, sans doute l’un ou l’autre bâtiment isolé parmi les oliveraies.
Sous ses pieds comme plus loin dans les champs l’atmosphère résonnait des cris d’une multitude de grillons dissimulés par la verdure tandis que près d’elle s’alignaient, tentantes, des rangées de vignes chargées de grappes bien mûres.
La vagabonde y rafla une pleine poignée de raisins, les mangea goulûment puis reprit sa route, le visage balayé par un léger courant d’air tiède qui fit voler ses cheveux devant ses yeux.

Les jardins du Château apparurent devant elle, surplombés par la masse imposante du donjon.
Elle essuya quelques gouttes de sueur perlant sur son front en songeant :
« Je dois être sur leurs terres, maintenant. »
Elle progressa encore une bonne dizaine de minutes avant qu’un détour du chemin ne révèle les portes massives du bâtiment. Les deux cavaliers qui l’avaient dépassée dans un nuage de poussière tout à l’heure au bas de la colline devaient être arrivés depuis longtemps.

Les gardes la regardèrent arriver avec méfiance.
Il est vrai qu’elle ne payait pas de mine dans ses tristes vêtements rapiécés de vagabonde.
Pourtant, bien propre et bien pliée, emballée de surcroît dans un tissu complémentaire de protection, isaline transportait dans sa besace la robe que Dorianedeshautbois lui avait remise en cadeau, voici déjà un an. Au mariage, elle la porterait pour la première fois.
-Dégage manante, hurla un garde. Tu n’as foutredieu rien à faire ici.
-Mais, je suis inv …
-Dégage, t’ai-je dis. Ce lieu n’est point pour les puantes de ton espèce.
-Messire, je …
Il fit un pas menaçant dans sa direction, elle recula de dix certainement, en vitesse, puis lui cria, déjà prête à tourner les talons :
-Messire, je vous assure, je suis invitée par mon amie Misslafan.

Elle examina le nouveau venu de bas en haut. Il avait l’air plus rassurant. Et puis, il avait rembarré l’affreux.
« Vais-je lui faire confiance ? »

L’homme la regardait avec intérêt et il avait parlé à isaline d’un ton plus amène, aussi se laissa-t-elle convaincre.
Elle avança craintivement, s’arrêta environ à trois pas de lui et le salua en exécutant le début de la Révérence de Cour, la danse qui ouvrait les Festivités du solstice d’hiver au Château d’Aldaran.
En même temps qu’elle le saluait, isaline déclara :
-Je suis nommée isaline Ardais, Messire. Je suis invitée par mon amie Misslafan, Mairesse d’Arles qui … (elle déglutit) « Ses gros yeux m’impressionnent ! » …qui va ce soir épouser le Comte Brigantin …
Elle baissa son regard vers le sol, le cœur battant d’inquiétude.

-Voilà … ajouta-t-elle sur un ton confus, presque inaudible.

-Suivez-moi ! Lui avait ordonné le garde après avoir déroulé et consulté un parchemin plus long que le bras d’isaline.
Elle fut conduite à une personne de belle prestance, au port sévère toutefois, avec le front haut et droit, d’épais sourcils noirs ainsi qu’une chevelure blanc argent abondante.
-Je suis nommée isaline Ardais, dit-elle, accomplissant un petit salut qui lui rappela le Maître de Cérémonies de la châtelaine amandine d’Aldaran … Bien droite en le fixant dans les yeux, fléchir une jambe. De l’autre, exécuter un large demi-cercle et poser la pointe du pied au sol derrière soi, puis revenir joint. C’est la plus simple des révérences, damisela.

L’homme déclara s’appeler Arramon, être l’intendant du domaine. Il la salua poliment, l’invita à le suivre vers la chapelle et se mit en route alors qu’elle jetait un dernier regard, intéressé cette fois, vers le garde.
-Messire Arramon, appela-t-elle, excusez-moi. Avant d’aller à la Chapelle … Je suis sale et empoussiérée … Je (elle sentait poindre un besoin pressant) … J’ai d’autres atours aussi … pour la cérémonie.
J’aimerais me rendre plus présentable, plus … belle (ses pommettes prirent une teinte franchement rosée) … Y aurait-il un endroit où je pourrais … une salle d’eau, … à moins qu’une chambre peut-être ? Je ne repartirai sûrement pas avant demain.